Marchés L’orge dévisse, le blé fait le dos rond
Tallage, cabinet d’études spécialisé dans les marchés des grains et des oléagineux, nous livre son analyse hebdomadaire.
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Les céréales à paille continuent de souffrir cette semaine. Néanmoins, en ne suivant pas la tendance mondiale, elles sont en train de regagner en compétitivité.
Affaissement en blé
Les prix du blé français continuent de s’affaisser cette semaine : ils perdent entre 1 et 3 €/t selon les places (à 195,5 €/t rendu Rouen), poussés vers le bas par leur manque de compétitivité face aux autres blés de l’UE (allemands notamment).
Comme la semaine dernière, ce mouvement est plutôt contraire à la tendance générale des prix sur le marché mondial où les blés russes continuent de s’apprécier (+2 $/t cette semaine) tirant à leur suite les blés US et les blés argentins.
En Russie, les exportations vont baisser en seconde moitié de campagne et d’éventuelles mesures gouvernementales pourraient y contribuer (mais rien de concret pour l’instant).
Avec cette déconnexion partielle des marchés mondiaux, le blé français est en train d’améliorer sa compétitivité. Il doit continuer sur cette voie et ne pourra pas se permettre de rattraper les prix russes. Néanmoins, la hausse qui reste attendue sur le marché mondial devrait finir par se reporter aussi sur les valeurs françaises.
Les premières perspectives que nous avons dressées pour la prochaine campagne s’annoncent plutôt lourdes si la production européenne ne souffre pas de grave accident climatique. Elles pourraient être de nature à modérer la hausse des prix en toute fin de campagne.
Panique en orge
Les orges fourragères françaises abandonnent 9 €/t à Rouen cette semaine (à 186,5 €/t en base juillet rendu) et se retrouvent de ce fait très attractives sur le marché mondial. Elles valent en effet maintenant moins de 225 $/t Fob Rouen par rapport à des orges mer Noire qui valent 10 $/t de plus.
Certes, la concurrence de la récolte australienne, même si elle est très médiocre dans l’est du pays, monte en puissance avec la fin des moissons dans ce pays et cela pèse sur le marché mondial.
Le bilan français s’annonce plutôt excédentaire, la France ayant perdu quasi tout espoir de ventes à la Chine à cause de la baisse de la demande chinoise (remplacement de l’orge par d’autres matières) et de la concurrence de l’Australie sur les mois en cours (avant une possible taxation des orges australiennes par l’empire du Milieu à partir de février).
Ces éléments expliquent en partie la morosité du marché des orges fourragères en France. Toutefois, un autre élément d’explication peut être avancé : à cause de la réduction de la production d’orge de printemps dans le nord de l’UE cette année, l’UE s’est retrouvée en situation de grave déficit d’orge brassicole de printemps. Pour pallier ce déficit, certains industriels ont accepté des taux de protéine plus élevés que la normale et utilisé aussi un peu plus d’orge d’hiver que d’habitude.
Toutefois, ce remplacement d’orge de printemps par des orges d’hiver n’est pas possible pour toutes les productions et ne représente que de faibles volumes. Il semble ainsi que certains stocks d’orge d’hiver avaient été gardés en prévision d’une telle substitution et que leurs détenteurs sont finalement obligés de les lâcher maintenant vu la faiblesse du débouché en question.
En résultat de cette situation, l’attractivité retrouvée des orges françaises fourragères pourrait rapidement conduire à une petite correction haussière, surtout si la France réussit à se placer lors du prochain appel d’offres de l’Arabie (attendu prochainement).
Sur le créneau brassicole, les prix ont suivi la baise abandonnant environ 10 €/t cette semaine, à 192 €/t Fob Creil pour les orges d’hiver et 203 €/t pour les orges de printemps.
Le maïs toujours comprimé
Le maïs, quant à lui, est resté de nouveau quasi stable, à 175,5 €/t Fob Rhin ou 179,5 €/t Fob Bordeaux. Sur le marché mondial, les prix remontent au contraire tirés par les maïs ukrainiens dont les exportations vont bon train et dont les prix remontent (180 $/t Fob) après avoir atteint un niveau très bas au moment de la récolte (160 $/t au plus bas en octobre). Toutefois, cela n’affecte guère les prix de l’UE où le marché reste figé par les importations très élevées et le fait que la marchandise européenne reste moins attractive que les maïs importés de l’Ukraine ou de l’Amérique du Sud.
Le soja soutenu par les incertitudes liées aux récoltes sud-américaines
En l’absence de chiffres officiels de ventes hebdomadaires à cause du shutdown aux États-Unis, des rumeurs liées à des achats chinois de soja américain effectués jeudi ont tiré les cours à Chicago vers le haut. Les cours ont été également soutenus par les incertitudes relatives aux récoltes sud-américaines où les conditions climatiques sont défavorables à la culture de soja.
Les dernières précipitations au Brésil semblent arriver trop tard et sont insuffisantes pour gommer l’impact de l’épisode de sécheresse des dernières semaines. D’autre part, en Argentine, les fortes pluies enregistrées depuis le week-end dernier aggravent la situation d’excès hydrique et pénalisent le semis dans les régions du nord-est et du centre-nord de Santa Fe. La Bourse des céréales de Buenos Aires a réduit sa prévision de surface de 0,2 Mha, à 17,7 Mha, depuis la semaine dernière. De nouvelles baisses de surface dans ces régions ne sont pas exclues en fonction de l’évolution du climat dans les prochains jours.
Le rebond des cours du soja a été néanmoins atténué par l’absence d’avancement concret sur les négociations sino-américaines ainsi que la publication des derniers chiffres des douanes chinoises montrant une baisse de 40 % des importations de soja en décembre 2018, comparé à décembre 2017. Finalement, le soja US sur le CBOT (marché à terme de Chicago) gagne 4,6 $/t cette semaine à 333,5 $/t.
Les tourteaux de soja ont été tiraillés, d’une part, par la hausse de la graine et, d’autre part, par l’annonce par le ministère chinois de l’Agriculture et des Affaires rurales de l’abattage de plus de 900 000 cochons depuis l’apparition de l’épidémie de fièvre africaine porcine en août 2018, impliquant une baisse de la demande chinoise en tourteaux. À Montoir, le prix des tourteaux a surtout suivi la forte baisse des cotations sud-américaines affectées par la baisse de la demande chinoise. Il cède 10 €/t à 332 €/t comparé à la semaine dernière.
Le colza français en légère hausse
Du côté du colza, les cours ont légèrement bondi. Ils gagnent 1 €/t à Rouen, à 366 €/t, 2,5 €/t en Fob Moselle, à 371 €/t, et 1 €/t sur Euronext, à 368,5 €/t. Le colza français a profité de la hausse des cours de l’huile de palme à Kuala Lumpur et de ceux du pétrole. Il est à noter que la Commission européenne étudie actuellement la possibilité de ne pas instaurer la taxe anti-subvention sur le biodiesel argentin contre l’adoption d’un prix minimal de vente.
La décision finale sur ce sujet est attendue pour la fin de février. Si cette proposition est adoptée, elle permettra sans doute de modérer les importations de biodiesel argentin mais pas de les stopper.
Au Canada, les cours du canola ont gagné 3 $ CAN/t, à 483 $CAN/t, soutenus par la hausse des cours des huiles et une vague de froid qui complique les livraisons des producteurs canadiens.
Tournesol : dégradation des conditions de culture en Argentine
En tournesol, le prix de la graine se maintient à 305 €/t à Saint-Nazaire mais augmente de 3 $/t, à 332,5 $/t en Fob mer Noire, à la suite de la hausse des cours d’huile de tournesol. Par ailleurs, en Argentine, l’excès hydrique pénalise l’avancement de la récolte dans la région du Nord-Est et au centre-nord de Santa Fe. Selon la Bourse de Buenos Aires, les inondations observées pourraient causer des pertes de surfaces et impacter les rendements potentiels. Dans les bassins de production de Buenos Aires et de La Pampa, les conditions de récoltes sont plutôt bonnes. À ce jour, le tournesol argentin est récolté à 20,5 % et les rendements réalisés à ce stade sont estimés à 1,95 t/ha (contre 1,97 t/ha la semaine dernière) selon la même source.
À SUIVRE : prix russes du blé, mesures éventuelles prises par le gouvernement russe pour réguler les prix sur son marché intérieur, performance de la France lors du prochain appel d’offres saoudien en orge, récolte sud-américaine, guerre commerciale, taxation (ou non) du biodiesel argentin, évolution des cours de l’huile de palme et du pétrole.
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